24.11.07

Ensuite. [9/12] - Version 3


9. 6 décembre 2007.


(extraits son de la lecture du 6 décembre, ici)


Par où donc vais-je commencer. Par où donc vais-je finir. Je te dirai tout. D’abord. Je dirai tout d’abord mon nom. Mon nom véritable. Mon nom véritable est par où je vais commencer, par où je vais finir. Il dit. Je suis celui dont la gloire touche le ciel. Il dit. Ma terre d’origine est une île rocheuse. Apre. Et je te parlerai des hommes que j’ai connus. Je. Te parlerai des femmes que j’ai connues. Toutes. Elles savent. Toutes. Le nom véritable des femmes que j’ai connues est nous savons. Toutes. Elles savent. Et. Toutes sont reines. Chacune son île. Je te dirai. Tout. Comment je vécus le périlleux retour. Je te dirai chaque femme, chaque île. Je te dirai comment je pillai. Chaque femme, chaque île. Comment je massacrai. Comment avec les hommes celles qui savent dans les cales et sur les ponts furent les nôtres. Je te dirai. Nos corps à corps. Loin de la ville où l’on pilla, loin de là où l’on massacra. Corps à corps dans les cales et sur les ponts. Je te dirai, tout. Comment l’on but, beaucoup. Et comment le peuple pillé se vengea, et comment les hommes moururent. Je te dirai. Comment nous reprîmes la mer, avec tristesse. Toujours, nous reprîmes la mer avec tristesse. Le sais-tu, cela. Je te dirai. Comment je fis le chemin du retour en dix jours, tout le chemin du retour, en dix jours, dans les cales, sur les ponts, et comment je vis la terre natale à portée de mains, et, comment, il me fallut encore dix ans pour l’atteindre. Je te dirai la merveille, le délice, le piège des cales, le piège des ponts. Je te dirai comment les hommes ayant goûté à la douceur de l’oubli ne voulaient plus rentrer, ne parlaient, plus que de rester, sur les ponts, dans les cales. Je te dirai comment je prétendis les ramener de force, et comment nous reprîmes la mer, avec tristesse. Je répète. Avec tristesse. Et, maintenant, écoute. Ferme les yeux, et vois. Il y a. Deux îles. Elles se font face. Sur la première, vit le hors-la-loi dont je vais crever l’œil dans quelques instants, et dont la vengeance du père va me retenir loin de chez moi pendant dix ans, dans les cales et sur les ponts. Tu vois. Il ressemble au sommet boisé d’une haute montagne. Un monstre véritable. Nous entrons dans sa maison, les hommes, et moi. Nous entrons dans la maison du monstre. Nous entrons chez lui en son absence, et les hommes : les hommes veuillent piller, voler, manger, manger les fromages, tuer les agneaux, tuer les chevreaux, Moi, la seule chose que je veux, c’est rester. Je veux rester, car le monstre je veux le voir. Je veux rester, car le monstre : je veux savoir s’il me fera des cadeaux. 11h45. Interruption. Allons manger dans un restaurant vietnamien. Avec P. La serveuse, très belle. Les tendres bras d’une princesse. Les seins ronds, la peau blanche, son odeur de lait qui séduit les hommes. Ville de C. 22h00. Chambre au fond du couloir à droite. Effrayé par sa voix profonde et sa grande taille. Crains les yeux qui te regardent, dis-je au monstre. Car je suis ton suppliant. Mais les monstres n’ont pas le souci des yeux. Tu vas voir, si tu n’as pas le souci des yeux, me dis-je. Tu vas voir un peu comment sans ton oeil tu vas voir, quand je te l’aurai crevé, après, tu verras. Et. Le monstre. Saute sur les hommes et en prend deux d’un coup et comme des chiots sur le sol il les assomme, la cervelle gicle, la cervelle mouille les murs, il les découpent membre à membre, chacun, il en fait son repas, il refait de même le lendemain. Car. Nous étions ces hôtes désormais. Alors, en mon cœur, je sus qu’il était temps de lui dire mon nom. Et je me nommai enfin. Et je lui crevai l’œil. Il poussa un long rugissement. Il pleurait : après son père. Méchant monstre, méchant monstre, méchant monstre appelle papa. Je répète, méchant monstre appelle papa. Viens papa, venge, venge, venge-moi. Mais c’était moi dans le monstre qui parlais : j’appelais la vengeance, et mon âme riait. Oui c’est ça, demande à ton père, petit. Demande à ton père et merci, grand merci, grand merci à toi mon petit. Grâce à toi, me voilà libre et loin de chez moi pour encore dix ans. Merci. Petit. Il. Arracha la cime d’une montagne, et la jeta dans la mer. Voilà tout ce qu’il sut faire, le méchant monstre à son papa.

A 15h54. Je te confirme. Intègre les mails. Je suis d'accord. Je répète. D’accord. Elle dit. Aujourd’hui, j’ai décidé de faire froissé. Il dit. Aujourd’hui, aujourd’hui tu m’as froissé. Regarde. Aujourd’hui, aujourd’hui je suis tout froissé. Regarde, c’est le matin, la peau, les traces des draps, les pliures du tissu, les traces sur la joue. Tu vois, c’est chaud, c’est calme. Je n’associe personne à ce souvenir. Je dessine l’amer. Est-ce que tu vois des larmes. Non, je ne vois pas. Tant mieux. Je n’en veux pas. Tant mieux. Elle dit. Et ne baisse pas les yeux. 20h04. 20h15. L’homme au fauteuil vert. Il a l’air triste, aujourd’hui. Il ne parle pas. Je baisse la tête, je la relève. Je vois une lèvre, deux lèvres, tes lèvres. Entre elles deux, s’articulent les mots pour dire j’ai vu. Entre elles deux, je regarde et pénètre. Entre elles deux, il parle. Il se lève. Il va chercher dans la pièce à côté une marmite. Il transporte des cailloux dans la marmite. Que les choses soient bien claires. Il n’y a personne, ici. Pure fiction. Est-ce que tu la vois. Elle est un objet que je tiens dans le creux de la main. Appelons ça : un crâne. Un cube. Tout se tient dans le creux de la main qui tient le crâne, le cube. Il dit. Ce ne sont pas des pierres dans la marmite, ce ne sont pas des pierres dans le crâne, ce ne sont pas des pierres dans le cube. Dans la marmite, ce sont des pommes de terre. Dans le crâne, ce sont des tombes, sur chaque tombe, un nom est inscrit. Dans le cube : on ignore ce qu’il y a dans le cube. Viens. Nous allons manger. Viens. Je vais nourrir la maison. Viens. Le ventre affamé de la maison, je vais le remplir. Et je transporterai dans la marmite la nourriture pour tous les enfants de la maison, éphémère. Et. La femme au piano du mois de juin passe entre les tables. Et l’homme au fauteuil vert, seul, il la regarde. Ils se connaissent. Il était là quand elle a joué du piano, au mois de juin. Ils se connaissent. Depuis combien d‘années se connaissent-ils. Comment ce serait, si je te voyais pour la première fois. Comme ce serait, si je n’attendais rien de toi. Si je ne craignais rien de toi. Comment ce serait. Conditionnel. Ma. Vie. Au conditionnel. Une femme descend de l’escalier à ma droite. Est-ce que tu la vois. Je suis assis dans le fauteuil vert. Je suis invisible. Ma vie conditionnelle est invisible. Je regarde la femme, je te regarde. C’est quoi le nom de l’instrument dont tu joues. J’entends les sons à travers le rideau. C’est un voile opaque. Il y a, un voile opaque, entre toi et moi. Il y a. Un voile. Un mur. Un monde. Tout un monde. Il y a. Tout ce monde. De toi. A moi. A travers lui, j’entends les sons. 10h36. Dimanche. Une sirène. Une sirène de profil. Une sirène. Une sirène de face. Mercredi. Midi. La sirène. Premier mercredi du mois. Tous les mois. Un pays. En temps de paix. Mercredi. Midi. Premier mercredi du mois. Tous les mois. Un pays. En temps de guerre. Regarde, il y a P qui vient d’arriver. Nous marchons l’un vers l’autre. Est-ce que ça va. Il me demande. Est-ce. Que ça va. Est-ce que je réponds. On ne se connaît pas. Comment te dire. Cela n’a aucun sens. Est-ce que tu m’entends. Oui. Tu en penses quoi. Je pense. A cette femme que j’ai peur d’aimer. Je pense. A cesser. De ne pas. Voilà. C’était la première lettre de mon nom. Tu entends quoi comme ça. Tu entends quoi du comment ça va. Tu entends quoi de ce qui m’empêche de dire m’empêche d’entendre. Nous. Nous serrons la main. Longuement. Regards vifs. En silence. Et, maintenant. Tu passes derrière l’homme au fauteuil vert. Maintenant. L’homme au fauteuil vert te tend la main pour un salut, tu ne le vois pas, tu passes sans regard pour l’homme au fauteuil vert. L’homme au fauteuil vert tient sa main tendue. L’homme au fauteuil vert te tend la main. Ça y est. Tu le vois. L’homme au fauteuil vert et toi, vous vous serrez la main. Oh vous savez, moi, je viens ici surtout pour manger. C’est quoi, ton plat préféré. Je te parie : que tu es le plat préféré du prochain gourmand qui vient. Oh non tu sais pour moi c’est très différent, ici moi je. Je viens pour t’oublier. Je viens pour tout manger. Je viens. Pour te crever l’œil. Je viens. Pour ne rien te donner. Ou alors, à la toute fin. Dans l’oubli de toi. /// … /// Ici, quelque chose manque] /// … /// Tu as faim ? Tu as froid ? Qu’est-ce que tu manges. Comment tu te réchauffes. A quoi tu te réchauffes. Je. Me réchauffe. A trafiquer la peur. Je. Me réchauffe. A trafiquer la terreur. C’est ma seule joie. Tu vois. Je suis : sans retour en attente, je répète : sans retour en attente : vitesse supérieure du doute, viens. Et tu verras comment c’est différent d’un jour à l’autre. S, c’est le nom de l’instrument. Est-ce le nom que tu ne retiens pas. Est-ce le nom que tu n’écoutes pas. Est-ce que tu ne retiens rien. est-ce que tu n’écoutes rien. Je n’entends : que les sons. Ah, c’était toi. Il y a. Tout un continent sous le continent. Tu le sais. C’est de là que je viens. Je suis. A l’origine de ta richesse. As-tu honte de moi. Avoue. C’est de moi que tu as honte. Attention. Je vais te rire au nez. Dehors, c’est la tempête. Ici : nous sommes seuls, nous sommes dans la maison, nous sommes à l’abri, nous sommes dans les tuyaux tombant du toit, nous sommes le son, le ruissellement des gouttes. Nous sommes. Amour. Je ne te parlerai. Que de ce que j’ignore. Je te le jure. 20h05. Devant la poste, je croise la jeune femme entr’aperçue hier soir. Nos regards. Une traque incessante et sans repos. Qui es-tu. Tu fais quoi. Maintenant. Cette nuit. Je te jure. Je ne sais pas qui tu es. Je dévie la trajectoire. Ah oui, je me souviens, ça y est, le souvenir me revient, ton visage, me revient en pleine face. Dans la librairie, avec M, c’est pareil. Non, pas du tout. Avec lui, c’est son prénom, c’est quand il dit son prénom, c’est quand il dit son nom, c’est dans son nom, qu’il me revient. Interruption. 20h53. 22h24. Assis. Au même endroit qu’hier. Il faut avoir une sacrée confiance pour s’asseoir deux soirs de suite à la même place. Hier, enfui. Ce soir. Cher C. Je t’écris depuis la chambre au fond du couloir à droite qui ne fut jamais la chambre d’enfance mais dont tous les objets me parlent. Je t’écris, avec la maison d’en face. Maison d’enfance celle-là, oui. Tu sais, ils ont repeint les volets. Les volets verts de notre enfance sont blancs aujourd’hui. On joue à quoi. Trente ans plus tard : on joue à quoi. Les cow-boys et les indiens dans la vallée dévalent et la porte s’ouvre et ma mère demande comment on fait réchauffer les boulettes de viande. Stop. Ils parlent de A. Stop. Ils parlent de Z. Ils disent : comment ils mangent et se mangent les uns les autres, comment ils se mangent entre eux. J’incorpore ta vie à la mienne. Dans les cales. Sur les ponts. Et dans le château, les esclaves mangent la merde de leur maître. Lui, il bouffe sa femme enceinte. Allez, viens. Allons faire un gentil petit tour au bord du fleuve, toi et moi. Là, je te raconterai le monde, je te décrirai les images du château, les images du matin, de la nuit, ce bord de fleuve. Je te raconterai, comment sans trembler le père de ton père de ton père mangea sa femme pour qu’elle n’enfante pas d’un fils qui le détrône, et, vois : tu es là. Je te raconterai. Comment l’enfant qu’elle attendait est venu dans le corps de son père. Comment l’enfant a grimpé par l’intérieur du corps, jusque dans le crâne de son père, et, oh, une fille, fille du crâne de son père et la porte s’ouvre, le crâne s’ouvre, une fille, et la porte s’ouvre et le voilà, mon père : il m’invite : à venir manger les boulettes avec maman. Papa + maman - boulettes = je suis. Assis. A la table dans la salle à manger. Je suis. Assis. A la table, au secrétaire. Chambre d’enfance. A gauche, quatre fenêtres, avec vue sur église et immeuble. Là, août 79, elle m’offre une voiture en carton. Dix ans plus tard, un litre de vodka dans le corps, des tonneaux dans un champ au milieu de la forêt, la voiture : écrasée, et nous : vivants. Debout. Assis. Titubant. Frappant chaque lettre de l’alphabet, une à une. De jour 1, à jour d’hui. Vue. Sur. Un commencement. Rue. Des neuf soleils. Là, je suis né. Là. Je suis assis dans la maison, derrière la table, et j’attends, ton retour. J’attends des nouvelles de toi. Je regarde les photos floues du monde lointain où l’on me dit que tu vis. Je reçois des nouvelles de toi, floues. Des images floues du monde lointain où tu me dis que tu vis. 22h34. 13h55. La tempête a cessé. Reprise. Phrase 1 : ce ne sont pas les paroles qu’on te rapporte que tu écris mais bien celles que tu vas chercher. Phrase 2 : il est trop tard pour aller moins loin maintenant. Phrase 3 : dans la pièce à côté, elle a installé son métier à tisser, elle sait que tu vas partir, elle va tisser en ton absence, elle va tisser le silence de son récit, toi, bavard, toi, menteur, elle, pas folle, elle va tisser le silencieux récit du temps de ton absence, et tu n’en sauras rien de cela qu’elle vécut alors, allez, au travail, voyageur de fuite, vas-y, c’est à toi de lire maintenant, vas-y, lis-moi ta vie vécue non vécue en mer, vas-y, à la fin, vas-tu lire, à la fin, à la toute fin. Allez vas-y, lie toi à moi si tu oses, crois-tu savoir faire ça. A la toute fin, je saurai le faire ; si tu es là : tu verras. Phrase 4 : à l’étage, dans la maison, un homme articule le récit constitué des récits qui se tissent les uns les autres hors de lui dans le même temps que sa vie à lui, il dit : c’est le même espace, c’est le même monde, ce sont des récits qui se croisent, entre eux se tissent un espace dans lequel tu peux maintenant cheminer, et selon le chemin que tu traces dans cet espace, traversant tel ou tel flux des récits, tu fais le tien, c’est toi, qui fait ton récit, c’est ton corps dans l’espace tissé par les flux des récits, c’est ton corps qui fait le récit. Phrase 5 : tu nous as vu, hier soir, à la télé, on avait mis nos amis de bandits, est-ce que tu nous as reconnus. Phrase 6 : elle fait le résumé de sa vie. Phrase 7 : à la place du résumé de sa vie, elle fait le résumé de la vie d’une autre femme, elle lui vole sa parole, elle lui coupe la parole, elle hache la parole menue en petits morceaux, et, à chaque coup de dents, un lambeaux de sa vie en parole passe de la vie de l’autre femme à la sienne. Phrase 8 : nous sommes là, nous sommes la parole. 22h42. 00h27. Phrase 9 : ceux qui n’ont pas compris le passé, comment font-ils à présent. Phrase 1O : je tiens un fil tendu entre hier-moi et moi-qui-viens, je suis un large voile se dressant devant toi, je suis, bateau échoué, maison définitive, je suis, au cœur de la troisième nuit, je suis toujours là, je suis celui qui reste, je suis celui qui fera le récit de l’absence quand tous vous reviendrez, je suis celui que vous croirez quand je dirai nous n’étions plus que vingt autour d’elle à la désirer chacun d’une ardeur égale à celle que nous avions lorsque nous étions 108, et je te raconterai tout, quand tu seras de retour, je te dirai tout des cercles où nous n’étions plus que trois, dans la nuit, je te dirai tout, des cercles où très consciencieusement nous buvions l’alcool jusqu’au matin, pour tenir, et je te dirai comment me vint la première bouffée d’air de ma dernière naissance, ici. Phrase 11 : assiette, nourriture, clavier, verre, vin rouge. Phrase 12 : faites moins de bruit s’il vous plaît, ne faîtes pas tant de bruit, pourquoi faîtes-vous tant de bruit, c’est à moi qu’il parle, c’est le bruit du clavier dont il parle, on n’écrit pas dans le silence, ça fait du bruit l’écrit petit malin. 00h38. Phrase 13 : et maintenant, l’homme se sent rassuré, dit la femme au beau visage. Phrase 14 : voulez-vous remplacer le fichier existant par celui-ci, oui, je veux. 00h10. Phrase 15 : un peu malade aujourd’hui, je vais dormir, je finirai demain matin les dessins de ce soir, je les posterai avant la levée du courrier, je te souhaite une belle nuit, je te souhaite une belle vie. Phrase 16 : rentre chez toi. Phrase 17 : cette maison, c’est l’étranger, c’est un lieu étranger, ici, c’est un étrange endroit, ici, je suis venu ici pour. 00H48. Phrase 18, proposition 1 : ce qu’ils lisent ne répond pas à la voix de qui a écrit. Phrase 18, proposition 2 : la voix de qui a écrit les mots qu’ils sont en train de lire n’est pas dans les mots qu’ils sont en train de dire. Phrase 18, proposition 3 : la voix qui a écrit les mots qu’ils sont en train de lire ne s’est pas dévoilée dans les mots que la voix a écrit, le voilà, le mensonge majeur. Phrase 19 : Toi, tu dis le vrai, même dans tes pires mensonges, dans tes pires silences, tu dis le vrai, toujours, le voilà, ton récit de retour. 1h31. Phrase 20 : tu verras comment c’est toujours quand je dors que les hommes qui m’accompagnent commettent le pire et je leur dis merci. Phrase 21 : les hommes de la rue, les hommes de l’alcool, les hommes de la maison, là-bas, les hommes des bureaux, les hommes du travail, les femmes et les hommes levés dans la nuit pour laver le sol de ton bureau, les femmes et les hommes levés dans la nuit pour laver le sol de ton magasin, pour faire briller ta vaisselle, laver tes draps, tes tissus, tes habits, pour faire ton lit, combien tu payes tous les matins pour faire vivre à ceux-là le travail que tu ne fais pas, combien tu fais payer ton propre travail bien propre de 5h00 à 6h00 le matin ; il y a : un continent sous ton continent, et tu ne lui pardonneras jamais de n’être pas resté sans combat, tu ne lui pardonneras jamais de n’être pas resté sous le poids de tes pas l’écrasant. Phrase 22 : lors de ta prochaine réunion dominicale et clandestine avec ton partenaire régional, départemental, municipal, national, international, après avoir comme il se doit développer les différents aspects du processus de création de ton dispositif artistique en lien avec le territoire et les publics, tout en plantant ton regard dans les yeux de ton interlocuteur que désormais tu embrasses et tutoies au nom des liens sincères qui se tissent et chaque jour se resserrent entre lui et toi, tu prononceras avec ta voix la plus déterminée le mot : hospitalité. 1h52. Phrase 23 : Chère M, je pense que tu liras ces mots une fois le jour levé, je suis rentré assez tôt aujourd'hui, j’avais besoin de dormir, je travaillerai demain, je t’embrasse, M. Phrase 24 : toute une vie, toute sa vie durant je ne l’entendis jamais dire que cette phrase : je travaillerai demain ; quand il est mort, on a retrouvé une malle pleine de ce qu’il écrivait la nuit, pour le matin, des notes écrites dans des carnets, dans des livres, des notes écrites durant l’époque de sa vie où tu n’étais pas encore parti, des notes où il revisitait les premiers jours, les souvenirs des premiers jours, les feuilles encore vierges, le premier soir, où tout commença, premières feuilles, premiers mots, premiers instants, premières notes, le début de l’histoire, l’histoire, jour à jour, et l’instance majeure, déjà, variante 1 : ne m’arrête jamais, je t’en prie, ne m’arrête jamais, je t'embrasse, à demain, M. Fin du jour neuf.

Et. Je me nommai enfin.

Personne. Mon nom : est Personne. En as-tu jamais douté. Je me nommai enfin. Et je te crevai l’œil. Assis. Dans la chambre au fond du couloir à droite. Assis. Au bout du lit derrière la baie vitrée. 18h16. Vendredi. 16. Jour anniversaire du jour de la naissance de mon. J’achève la lecture du chant neuf. Dans la chambre au fond du couloir à droite où nul souvenir vécu hors la présence des objets qui m’entourent. Je poursuis la lecture d’une image floue. Rue. Des 9 soleils. J’invente. Le chant. Des 9 soleils. Voilà. Je me nomme enfin.

Et je trace en tout point de ma vie des lignes tendues vers l’infini. Je trace des frontières, des trajectoires. Seules les trajectoires correspondent à des lieux où j’ai vécus. La frontière : est le vrai nom de l’inconnu. Et je peux nager dans la mer, je peux rejoindre l’île que je vois. J’ignore à qui appartient cette île mais je rejoins l’île que je vois. J’annule la frontière. Une nouvelle frontière se forme, dans mon dos. Je me retourne. Je n’annule aucune frontière. Nulle frontière, ni devant moi, ni dans mon dos, mais, tout autour. Je suis. Une île. Nous sommes. L’archipel. Chacun en tout point de nos vies traçant des lignes tendues vers l’infini. ATTENTION. N’espère en aucun point de ta vie les voir se rejoindre. ATTENTION. N’attends en aucun point de ta vie la rencontre. Car elle vient. Ici.

L’océan. Est sans fin. Et. Unique. L’île. Est toute petite. Et. Multiple. La montagne. Est sur l’île. Le palais, la maison, la ferme, le château, l’immeuble. Sont sur l’île. Tous, sont uniques. Tous, sont multiples. Les rois, les prétendants, les esclaves, les paysans, les ouvriers, les hommes libres. Sont sur l’île. Les femmes. Portent le peuple dans leur ventre. Le ventre. Est unique. Les animaux. Sont sur l’île. Quand ta vie commence. Tous. Ils sont sur l’île. Voici l’espace. A toi le temps. Merci beaucoup, vraiment, merci.

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