24.11.07

Ensuite. [1/12]


1. Dimanche. 14. Lundi. 29. Ville de N.


Et j’essaie de comprendre ce qui s’est passé. Ce qui a passé. Tu t’en doutes. As-tu un doute. J’essaye. J’essayais de comprendre et je t’écrivais. Vois-tu. Je le fais. Ceci. Est un récit traduit. D’une langue où parlaient encore les morts lorsqu’ils étaient vivants. Ceci. Est un récit à traduire. Ceci. Un récit. Où la seule voie se tiendra dans ta lecture, seul. voilà, j’écris. Avec ici les noms disparus. Avec ici les dieux disparus. Avec cela qui reste, de chaque nom disparu. Une lettre, seule. En lieu et place de chaque nom, une lettre. Pour commencer. Seul. Un œil. Seul. en lieu et place de chaque dieu. Un œil. Ce regard. Un seul, nom. Toujours dit. Un seul dieu. Encore nommé. Eros. Avec toi, j’écris. Dans le souvenir de cela qui fut. Dans le flux continu discontinu du seul écoulement, seul. Dans le présent d’une adresse chaque jour changeante. Ma voie. Ta lecture. Notre fiction. En partage. Voilà, j’écris. M’entends-tu. Le texte lu ce soir est une matière. Ta lecture est une voie. Une voie dans la matière. [le texte publié dans ce livre (serait-il écrit, en exergue, dans le livre, à venir) est le résumé d’un texte à venir, non encore écrit, à écrire. Ecrire = venir = jouir. Stop.] Aujourd’hui mardi avec les mots d’hier aujourd’hui je t’écris avec les mots des mois derniers. Avec les écrits premiers, ceux des premiers temps, où la main de l’homme osa le chant du provoque-moi le temps. Prétendant. Le fixer. Il y a 108 prétendants. Jamais je ne vivrai assez vieux. C’est V qui le dit. C’est V le vieux qui le dit. V le vieux le sage le vieux sage parlant à l’oreille de l’enfant de son enfant avant la nuit. Pourquoi je fais confiance à V. Une confiance. Aveugle. Je te fais. Confiance. Aveuglément. Cela me regarde. La confiance. Que je mets en toi me regarde. Aveugle. Et je t’écris. Avec O. Je t’écris. Avec H. Je t’écris. A toi, M, à toi, A, à toi, D, à toi, T. Je t’écris souviens-toi de ce jour où tu n’étais pas là. Jour d’avant le premier jour. Fait fiction. Premier jour. Te souviens-tu. Je me souviens. Du premier dimanche. Il y a 39 ans, dans la nuit, des neufs soleils, ville de C. Il y a : 15 jours, à P, ville de N. Il y a. 2700 années passées depuis le premier mot. 4014 années, autant. Je te raconte. Ça commence. Maintenant. C’est un dimanche. On attend qu’il y ait un peu de monde. Pour commencer. Toujours. On a fait ça. Toujours. On fait ça toujours. On a pris cette habitude. Seul. Ne jamais commencer. Seul. Moi. Je trouve que c’est un peu tôt. Mais. Pour un début. Mais. 14h14. Ils sont où. Qui ça : ils. En tout cas, moi, je ne dirai rien, je ne raconte pas mon voyage. Quand on me demande si c’était bien, je dis eh bien oui, c’était bien. Si tu me demandes, je ne te raconte pas. 14h25. C’est le premier jour. On se connaît à peine. Prenons-le temps. De. Faire connaissance. Tu fais quoi, de ces phrases, de ces mots, qui ne sont pas les tiens. Des phrases de toi, je fais quoi. Je t’écoute, je te vole, je te garde, je te donne. Est-ce que tu sais : te donner. Est-ce que tu sais : dire les données nécessaires et minimales pour entreprendre un voyage. J’ai besoin d’un billet retour. Je veux un billet de non-retour. Je voudrais tant que tu me parles. Je voudrais tellement savoir t’écouter. Savoir écouter. Le plus profond de toi. Ce que toi-même tu ne connais pas de toi, je te le dirai, et toi seule toi seul. Tu sauras m’entendre. J’aurai parler : d’autre chose. Un secret. Tu me l’auras demandé. Il aura surgi. Sans que je m’y attende. Non. Je ne dirai rien. Ne ferai le récit de rien. Garderai le secret. De U. Tu le connais. Toi. Le secret de U. C’est la mer, me dit M. Dans la famille des sans nom, je voudrais le fils. Tu te souviens. Il attend avec maman le retour de papa et papa retourne à la mer. Retrouver. Les yeux. Les yeux cachés dans la forêt des flots. Les yeux cachés dans la forêt des mots, des phrases, des lettres. Un alphabet. Une grammaire. Est-ce que j’ai oublié les noms de tous les yeux. Est-ce que je les ai oubliés tous à l’exception seulement d’un. Nom. Est un mot. Un. Nom. Est un mot. Retrouver. Les yeux. Dans la forêt non des mots ni des phrases mais dans celle des lettres. Seule. Là, dès l’être venu à. La. Vie. Seul. A 15h36. Il n’est pas vieux mais déjà il veut voir. Il veut déjà savoir. Il regarde partout. Il s’accroche à tout et de tout veut faire sens. Il veut. Ecrire à partir du nom des yeux. Il veut. A partir de. Il veut. Partir. Il veut déjà partir. A peine arrivé que déjà veut partir. C’est toujours les batteries qui posent problème, lui souffle un homme d’expérience. Ce sont toujours les images, voulez-vous dire, celles faites pour garder traces, qui posent, se posent, se déposent. Non. Derrière le mur. Je me souviens. Un groupe s’était réuni pour peindre l’œil unique de C. Un groupe réuni pour la multiplication de l’œil unique. Je te démultiplierai la vie. Te démultiplierai la vue. Et nous allons. Chercher. Ensemble. Ne dévoilons pas trop. Ne. Nous dévoilons pas trop. La première ligne, regarde, c’est là. On peut entrer dedans. Moi, je vais t’accrocher l’œil. Moi, je vais t’entrer dedans, par l’œil. Moi, je vais te voir, par le dedans. Parle-moi. Sans rien dissimuler. Qui es-tu ? D’où viens-tu. Quels sont tes parents et ta ville ? Attention. Ne fais pas trembler de trop par ta parole les colonnes du temple. Elles sont réelles. Ecoute, je vais te raconter l’histoire. Ça, ce signe là, tu vois, ça veut dire : éternité. C’est le premier jour. C’est la première fois que tu viens ici. Non. Je suis déjà venu. La première fois que tu es venu, tu te souviens. Oui. Je me souviens. Raconte-moi. Non. Je te raconterai une autre fois où je suis venu. Ici. Je suis venu souvent. Je te le raconterai, sans rien vouloir, sans ta demande, au grès des jours, au grès de nos. Rencontres. Mais. Mon nom. Je veux bien te le dire. Maintenant. Mon nom, véritable, est à l’instant de la rencontre une instance face à la durée en la laquelle ma vie va, après, je reprends la mer. Tu sais, on va peut-être en faire moins que prévu. Tu as vu, là, cette femme. Je la connais. Tout à l’heure, elle est passée devant moi et elle m’a soufflé le mot : retour. J’allais l’écrire. Elle l’a dit. Et, son sourire. Oh. Chère M. Je suis assis derrière une table et devant moi, le clavier. D'où je me tiens, je vois une robe que je ne peux mettre que si quelqu’un m’aide. Je fais un geste, devant moi, que je ne peux voir que si un autre le fait. Vous avez inventé un mot, n’est-ce pas. Quel est-il. Je vous jure, madame, je n’ai jamais couché avec. Oh, ma vie mise à vue. J’en ferai le récit. Je mettrai une robe, au récit de ma vie. Tu ne reconnaîtras rien de moi. Regarde. Comme ça, je te plais. Et comme ça. Regarde. Le récit de ma vie, comme ça, je vais te le donner à voir. Comme ça, il me plaît, et, s’il te plaît, ne viens pas me parler de mensonge. J’essaye, de fabriquer, une colonne de plus pour le temple afin que la parole puisse trembler. J’essaye. De dessiner un œil. Ici, je bâtirai une ville. Et je vous ferai, à la toute fin, une dernière proposition, avant de partir. Aurons-nous jamais assez de temps pour vivre tout. Chère M, je suis à la table, au clavier. A ma droite, derrière le mur : l’œil cherche dans l’espace un corps pour s’accrocher à lui, pour partir de lui : et de là, voir. Une femme, devant moi, caresse un chien. Devant moi, une femme prononce le mot : monstre. Une femme, derrière le mur, prononce le mot désignant une machine par laquelle payer le temps de stationnement autorisé pour une machine permettant au corps de l’homme de se déplacer dans l’espace sans fatiguer son corps d’homme. Elle dit : je vais fabriquer une colonne de plus afin que la parole puisse faire trembler l’œil. Une femme, devant moi, elle filme : les pieds d’un homme. Sur quoi repose un temple. Il ne faut pas. Approcher. De trop près. Sinon il prend la mer. Attention, il faut que vous lui parliez, sinon : il ne sait pas ce qui se passe, c’est un chien. Il s’appelle B. Oui, c’est ça, parlez-lui. Ohlala quoi, que vouliez-vous lui dire. Il y a un événement, là, juste là, c’est le chien de U, il a peur des hommes. Qui ça, le chien, ou U. Des êtres, humains, dans des fauteuils, excuse-moi, je passe. Le chien embrasse la femme, je passe. Devant la caméra, tu es magnifique : tu es : le devin qui me révèle mon avenir. Mon chien n’a qu’un œil, c’est pour ça, je l’ai appelé B. Mais, au prix de combien de jours de marche. Combien de jours. M’a-t-il fallu. Pour nommer le chien B, et non pas C. A la fin, il s’écrase au sol. A la fin, filiation, passation, transmission. Allô la terre ici la mer. A la fin, il abrège, il accélère la fin. A la fin, il invente pour toi un monstre auquel tu n’osas jamais penser pour faire trembler un corps. Ce sera moi. Monstre inventé. A chaque page. Figure de monstre, réinventé. Ce sera moi. A chaque page. Dans les fauteuils, tu me vois. Je vais faire comme si, comme si, comme si, comme si, comme si c’était une vague, une tempête, une lame me déchirant les os de mâchoire gauche à tempe droite, mais, déchirure : intérieure, tout dedans, rien à vue. Pourtant, toi tu vois, n’est-ce pas. Dans les fauteuils, assis, bien tranquille, dans le confort des fauteuils, tu lis ma guerre, mon sang, le chaos, tu le sens, tu le lis, le récit né des contraintes premières, tu le lis comment, mon corps en guerre et sang, de chaos, tu le vis le vois comment, par ta lecture, seule. Je vois comment tu montres vrai de toi cela qui t’échappe et jamais rien d’autre. 16h42. Ça va commencer par une chanson. Je vous propose. De l’écouter. Je vous propose. De faire retour. Je vous propose. De me dire un secret.

Quitter la maison. Aller dehors. Lire dehors. Lire dedans. Ecrire dehors. Ecrire dedans. Faire le résumé. Ecrire avec. Ce qui fut. Avec ce qui. Revient. Ce temps. Lorsque nous étions, ensemble, dans la maison. Ce temps seul, avant, premier temps, première fois, premier jour, premier mot, seul. A nouveau seul aujourd’hui. Dehors. Dedans. Ecrire. A même le livre. Ensemble, dans la maison. Nous avons vécu. A même le livre. Ensemble. Nous avons lu. Ensemble. Qu’avons-nous vu. Qui as-tu rencontré. Depuis. Quoi vit encore, aujourd’hui. Avec ceci, je, continue. Avec ceux-ci. 108. Prétendants. C’est V qui le dit. Ecrire, en marchant vers la pointe de l’île, aujourd’hui, là-bas, je relierai le chant au chant. Le livre à la main. Je relierai. Le livre à la maison. Par ma seule marche. A la maison, je relirai le livre. Lire. Ecrire. Avec le souvenir de. Lamaison des autres. Qui est-elle. Maison commune, éphémère. Ecrire, avec les dessins accrochés au mur. Avec les projets, de chaque jour. Ecrire, à T, D, A. Leur parler du temps, de la maison des autres. Leur parler du temps, présent. Laisser venir à moi les pensées. C’est lundi. Aujourd’hui c’est lundi. C’était hier. Ce que je voulais. Faire. Tu as fait quoi. J’ai regardé. Le dessin. Je le regarde. Encore. Je quitte la chaise. Je vais vers lui. 15h35. Mardi. Une question : décaler par là ? Une question : quel motif tisse P ? Une question : quel mot s’échappe ma fille de l’enclos de tes dents. PUIS LE RECIT COMMENCE est le vrai nom de la réponse. Elle, elle tisse les mots du silence. Et le conteur installe son visage au centre de l’espace. Son visage, son visage contient sa bouche. Par elle, la parole va venir. Et le conteur est là. Et de sa bouche. Ne surgit nulle parole. De sa bouche : des images. Parfois, même, l’astre solaire, les rayons lumineux, de sa bouche, parfois, même, la lumière, sur son visage, on peut alors lire les mots. Parfois Je regarde et j’entends, j’écoute et je vois, parfois, une image par la parole. Par là, oui, je vois la mer et neuf îles, par là, neuf soleils, je vois un soleil éclairer la mer et les îles et je vois le conteur et comment il se casse le cou pour regarder le ciel, pour parler au ciel. Je vois ton visage, face au ciel, et l’image dans le ciel, je vois au dessus de toi la mer fermée, close en ses bords par ta parole, telle coque d’un navire. Il y a deux lignes d’horizon, je les vois. Une, close, par ta parole. L’autre ouverte. Ma seule vue ne sait tout voir et vient t’interrompre. L’autre, au-dessus : l’au-delà de ta parole, par ta parole. Ces raies de lumière, c’est soleil. Tu regardes vers le haut. Tu regardes au plus haut de ce que ton corps peut te permettre de voir. Tu te mets en face du plus haut face à quoi ton corps peut faire face. Avec ça : parole. Avec ça : toute confiance alors t’es donnée. Ici, le téléphone sonne. C’était hier. Un animal est mort. Ils l’enterrent dans le fond du jardin des parents. Phrase inachevée. Chère A, cher D, cher T. Je vais mentir. Je vais rendre les choses plus belles qu’elles ne sont. Je ne vais pas tout dire. Je ne parlerai pas de toi. Je te parlerai, à toi, seule toi seul. Je partirai, sans me retourner. Je mens. J’ai menti. Je vais mentir. Je vais. Me retourner. Sans cesser d’aller. Je vais. Sans savoir où je vais. Il. Me faut lâcher tous les récits anciens. Il. Me faut les relire une fois encore. Il me faut les avoir en moi pour le voyage avenir. 40 années d’entraînement. Le récit commence. A la fin du livre. Ça commence. I, et O, c’est de l’entraînement avant le vrai, vie vraie la vie je la vivrai, un entraînement, à sa venue, un entraînement, pour sa venue. Chère A, tu es venue. Première d’entre les premières. Avant B, avant C. Dans la nuit, tu. Es venue. Dans l’écriture de la nuit. Dans l’écriture. Avec la nuit. Récit de toi. Dans la nuit. Comment tu y chemines. Comment tu y fais lumière. Comment dans ce noir et sans lumière le récit dit ton chemin et demande : et toi ? Tu écris. Tu me fais lire. Je lis. J’écris. Tu lis. Parce que j’écris. Tu me fais lire. Par ce que j’écris. De tu. Je. Lis ce que tu. As écrit. Je t’écris, maintenant. Je te dis mon nom. Maintenant. Je cherche dans les yeux de toi par la voie de mon désir est mon nom véritable. Je cherche tes yeux. Je cherche des yeux. Je cherche dans les yeux. J’entends ta voix. La seule chose que je sache. De toi. L’existence de ta voix. Et je t’écoute, cher D. Je t’écoute et j’aime t’entendre oui j’aime entendre par ce que j’écoute de toi me parlant, oui. Tu me dis c’est une cave, c’est dans une cave que j’ai retrouvé les bouteilles, après trente années d’absence loin d’ici, je suis revenu, l’été dernier, la maison je l’ai retrouvée, aujourd’hui, elle est à l’abandon, et la porte de la cave était ouverte, et les bouteilles étaient toujours là, je les avais embouteillées, avec E, il y a trente ans, avant notre départ, et elles étaient toujours là, je les ai ramenées, tiens, goutte, il en ouvre une, le vin coule dans mon gosier, là, aujourd’hui, cher T, quand donc rentreras-tu de ton voyage, quand rentrerez-vous de votre voyage, qu’y avez-vous vu, B et toi, irez-vous vivre là-bas, cette île, à l’autre bout du monde. Avec toi, j’irai vivre où tu vivras. Abandon qui ne renonce est mon nom désormais. J’ignorai cela de moi est le nom de l’espoir de mon véritable nom. Chère A, cher M, vas-y, plonge, va, fonce, vas-y, prends la mer, ouvre les questions, par les actes ouvre-les, par les actes réponds, vas-y, me dis-je à moi-même, avec toi, T, avec B, avec A, M, A. Ma. Parole. Tremblante. Face à l’inconnu de ton œil.

Résumer. Dire. Comment. T. Soudain conscient de son rôle de maître. Toute la nuit. Songea au voyage que A lui conseillait. Ecoute-moi. Ecoute le chant de celui que je ne suis pas. Ecoute. L’aventure de l’inventif. Ecoute. Comment c’est seul qu’il est de retour. Il est le seul. Il est l’unique. Il est unique. Il est U l’unique. Il est lu chaque nuit. Recommencé. Chaque nuit. Traversé. Par nos voix. Ecoute. La langue ici fourchant dans les mots. Ecoute. Le téléphone ici qui sonne. 16h41. Tu décroches. Bonjour monsieur je suis S V de la société T. Non merci, j’ai tout ce qu’il me faut. Auriez-vous un peu de temps pour me. Non. Merci. Pas. Le temps. Au. Revoir. Merci. Mer. Au. Revoir. Voir. Raccroche. Et langue ayant fourché : de ramener, l’on entendit ranimer. J’étais mort. Tes mots m’ont ranimé, ramené à la vie. Que m’importe le vrai du récit. Puisque tu me parles. Trouvons : comment le ramener. Le père. Afin de ranimer. Le fils. T : bougera de chez lui et prendra la mer en quête de nouvelles de son père, car les yeux le décident. Mais voyons. Parle-moi sans rien dissimuler. Oui. Je vais. Etranger. Te répondre en toute franchise. Celui qu’on dit ton père. Parle-moi. Sans rien dissimuler. C’est l’absent qu’il te faudrait. Ici. Dès le premier soir. C’est une belle absence qu’il te faudrait. Ici. CINQ VERS NE SONT PAS LUS CAR ILS SONT ENTRE PARENTHèSES. Je ferai. Le récit. Des parenthèses. Ce père, toujours absent. Patiente donc encore un an. Puis, donne ta mère à un autre. Chère H, je t’écris pour te dire qu’au huitième vers de O, se trouve l’évocation d’un récit dont la lecture sera proposé dans son intégralité 6104 vers plus loin, et sache que ce serait avec plaisir que je te verrais alors, si ton emploi du temps te permettait de venir, et si l’envie de et si. Tu ne pourras jamais entendre le récit de ma vie pleinement que si tu l’as déjà vécu. Et. ILS PéRIRENT. Ces enfants qui touchèrent aux troupeaux de l’œil d’en haut. Lui, il n’y a pas touché. Lui, il les a entendues, les femmes aux ailes arrachées. O, muse, conte moi. O. A nous aussi, conte un peu. Et le poète parle, et j’écris. Le nouveau livre. Pages vierges. Pages écrites. A la suite de. En écho à. Présent. Là. Les yeux décident qu’il rentrera chez lui. Dans le même temps que les yeux décident que T, son fils. Celui. Dont il est dit qu’il est le père. Prendra la mer pour aller chercher des nouvelles de U, celui qu’on dit son père, et dont il ne sait, s’il est vivant encore ou mort, il veut savoir, il veut le voir, il serait temps, il a vingt ans, T. Il est absent, U, depuis vingt ans, U, il a pris la mer pour aller chercher des nouvelles de qui. Des nouvelles de. Un peuple, coupé en deux. Une part au couchant. Une part au levant. Il y a quoi, entre. Il y a. U, de retour. Pour transmettre à son fils, à celui qu’il dit être son fils. Le voilà, le mensonge majeur. Il y a. L’oubli du sol natal. Il y a. Le retour au sol natal. Et T. Il était là parmi les prétendants, plein de tristesse. Et déjà les lances de U qui tueront dans un an les prétendants sont là. Et, celle de A les rejoint et les touche un temps. 17h30. 17h50. Confiance. En ta parole présente. Je me livre à la confiance. Au nom du passé qui lia ton père à mon père, ma confiance présente est à toi. Et je vais là-dessus te répondre en toute franchise. Je me nomme M, je suis le fils du sage, et je règne à T sur tout un peuple. Pour dire le vrai. Aujourd’hui, j’ai l’âge qu’il avait quand il est parti. Nous serons de retour ensemble. Le même jour. T. U. TU. Terriblement. TU. Lui ressembles, dit A à T. Ma mère dit que je suis bien son fils mais moi je n’en sais rien : l’enfant, tout seul, ne reconnaît son père. U, est de retour pour que tu saches. Celui qu’on dit mon père. L = S. Et le récit commence. Et le temps du récit de ce commencement jusqu’à sa fin dure un an. Encore un an. Patiente donc encore. Un an. Le récit. La patience. Redire. Relire. Comprendre enfin. Faire sien. Sois courageux, pour être glorifié plus tard. Qu’as-tu à faire de ce plus tard. Es-tu en affaire avec lui. A, raviva en lui la pensée de son père. Quand il eut réfléchi, il s’étonna, ayant compris qu’un œil était passé. T, soudain conscient ce son rôle de maître, impose sa parole. A sa mère. Impose sa parole. Aux prétendants. Ils sont 108. L’affaire ne sera pas simple. Va chercher des nouvelles de lui. Va le chercher. Prends conscience de ton rôle de maître. Toute la nuit. Songe au voyage conseillé par A.

Et marche. Lis. Relis. Sors. Parle. De toi. Vivant. Marche. Dans la ville. Ferme. La porte. Sors. Descends. Escaliers. Dehors. Tourne. A gauche. Ligne. Tramway. Encore, à gauche. Descends. La rue. Descend. A droite, ensuite. Avant, la rivière. Est-ce le mot. Rivière. Là longe. Prends maintenant le petit pont, et maintenant marche, sur l’île, artificielle. Longe l’eau, jusqu’au monument. Mémoire des morts. Mémoire de ceux. Résistant. Aujourd’hui. Ecrivait-il. Il dit. Et fait le tour du monument et ne lit pas les noms mais les compte. Ne lit pas les noms mais en cherche un : celui de F. A cet instant de ta vie c’est à F que tu penses et tu cherches le nom de F, le nom d’un de sa famille qui aurait fait partie des cinquante exécutés. Un nom t’arrête. Le seul, à le lire : d’un monde loin de ce monde d’ici. Tu lis, les mots qui disent l’histoire. Tu t’inscris, en mémoire, le plan d’accès pour te rendre au mémorial. Un autre point dans la ville. Tu repenses : à la marche avec M, il y a un mois. Début de marche ensemble puis chacun seul pour la fin. Tu penses à écrire à des écrivains vivants. Tu penses à écrire à des écrivains morts. Cher B, cher P. Je m’arrête à la bibliothèque, je lis les dix premières pages d’un roman publié par C. Je marche dans la ville. Avec eux. En mémoire d’eux. En marche vers. Un. Deux. Avec un d’eux jamais le même. Crois-tu. Je croise le voisin du dessous. Est-ce qu’il me reconnaît. Je passe par la librairie. L’il y a du. 12h27. Mercredi. J’ai faim. 15h27. Et, abstrait, dans le sens étymologique : séparé de moi, tiré hors de moi. Ecrit-elle. La tristesse, c’est, je crois, prendre conscience d’une question et ne pas se sentir capable de la résoudre, ne pas savoir vers quoi se tourner pour sortir de l’interrogation. Et voir cette interrogation se figer, menacer d’être éternelle. Ecrit-elle. Il est deux heures du matin. Soudain. Je me souviens comment je sors, comment il fait froid, comment je sors, fumer, dehors, comment passer, la soirée à parler encore de O, encore de lui, de C, de S, de C, de tous ceux-là dont aucun nom ne répond à ma question. Ecris-tu. J’écris avec toi. Au loin, les sirènes des pompiers. J’ai froid. Je jette un mégot dans une bouche d’égout. Là, il fait plus chaud, tout à coup. Un peu de fumée, de la chaleur s’échappent de la bouche. Comme si un feu brûlait, au fond. Troisième cigarette. Comme si. Une torpeur chaude. Me parvenait de là. Putain. Cette histoire. Combien de morts, là-bas. Guerre de T. Dans la rue, je les entends, je les vois, ivres, ils se tapent dessus. C’est la rue. C’est la nuit. Je réfléchis. Quatrième cigarette. Tout s’enchaîne. Je regarde les gens qui ne sourient pas. Je suis posée. J’ai froid. Je vais rentrer. Je vais parler de P. Je vais parle du fils de P. Je vais parler de toutes ces. Qu’il a baisées. Qui ont voulu. Se le garder. Je rentre. Il est rentré. Je vais le suivre. Le regarder. Ne va pas me. Téléphone. Une voix. 16h00. 19. Mon père. Ça va dit-il. De mieux en mieux. Je sors de la bibliothèque. Je traverse le fleuve. J’arrive au bout de l’île. Je voulais m’arrêter là. Mais non. Rien d’aimable ici qui donne envie. De rester. Je continue. Fatigue. Lassitude. Dans le ciel, une nuée d’oiseaux. Tout là-bas. Des milliers. Leurs masses dans le ciel, leur masse en mouvement dans le ciel, et chaque oiseau je les vois et le flux et les flux, je marche jusqu’au dessous de leur masse en mouvement sans arrêt dans le ciel. Je reste un instant à les regarder. A le regarder. Chacun. Tous. La masse et ses déplacements. Les points que sont chacun, les taches noires se détachant sur ciel bleu et nuit qui gagne. Traverser le fleuve. Retour. Fin du jour. A voir l’île, sur un plan de la ville étalé au sol, à voir l’île, ainsi, comme vue du ciel, à regarder la pointe ouest, on y voit une bouche, une toute petite bouche, tout au bout d’un énorme corps de poisson, sans nageoire.

Et. Quatre lieux. Le monument. Mémoire. Des morts. La bibliothèque. Où lièvre mort. Bibliothèque. Où téléphone. Vibre. Voix de mon père. Et la terre, depuis laquelle regarder. Masse des oiseaux, et chacun d’eux, taches noires, dans ciel encore bleu, juste avec la nuit. Qui vient. Enfin, il y a ce virage, dans le mouvement de retour, en lassitude, en fatigue, là, je croise T. Mais suis incapable de parler. Je donne le change, le minimum, voyons-nous un jour prochain, oui. Là, je ne peux rien. Oui, voyons-nous jeudi. Là. Demain.


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