24.11.07

Ensuite. [10/12] - Version 1


10. Mercredi. 17. Dimanche. 18. Ville de N. Ville de C.


Et à 10h18, chez moi. Bruit de l’aspirateur dans le couloir, derrière la porte à droite. Derrière l’écran, face à moi, le mur est à l’ombre. A gauche, la baie vitrée ouverte. Ciel bleu soleil. Une grue géante tracte dans un petit chariot jaune je ne sais quoi. La grue tracte depuis la petite rue derrière l’immeuble en fin de construction jusqu’à la rue devant au bord de la rivière. J’écris sur la table où tu as dessiné. Les lieux, où j’ai écrit Les lieux, depuis où j’ai écrit. Les lieux (depuis) où j’ai vu. Les lieux (depuis) où. Tu. Cette question de l’autre et du silence. Le tu. Le tu et le silence. Du livre, cette seule phrase gardée : Eros est le seul Dieu. Ici, le récit serait écrit depuis plusieurs points de souvenir. N’ayant aucune intention d’inventer les souvenirs des autres, j’écrirais avec les souvenirs des lieux où je fus. A partir des notes écrites lorsque j’y fus. A partir des lieux au présent de l’écriture. Et toi. Toujours ce : et toi. Il y a ce petit morceau de papier que je dépose sur toutes les chaises, aussi, sur tous les tabourets, sur tous les coussins, sur tous les bancs, dans tous les fauteuils : [Un retour. ‘’A l’instant du retour, chez toi. Comment dire ce que tu as vu. Ce que tu as fait. Ce que tu as vécu. Comment le dire. Et à qui. De retour, chez toi. Tandis que tu rentres chez toi. Tu marches. Tu y penses. ’’Vous pouvez si vous le souhaitez envoyer texte, image, ou son, ou que sais-je encore, à l’adresse suivante : cequisecret@free.fr. A cette adresse, ou : à une toute autre. Ou : faire tout autre chose. MP.] Faire le portrait de tous ceux que j’ai vu. Entendu. Cru. Voir. Entendre. Il m’a semblé que. Ne pas faire semblant. Mentir ne pas mentir. Ici, le projet : écrire O sans mensonge. On retraverse tout, on dit tout, pas possible. On retraverse à vrai (comme on dirait à cru, on accroît la masse de la matière à donner à lire, voilà de quoi l’on participe). L’homme au fauteuil vert. La femme au piano du mois de juin. Le trio hier soir. Le bel homme, sa belle voix, cheveux sombres, teint halé (elle est retrouvé / quoi / l’éternité / c’est la mer allée / avec le soleil. C’est parce que P se fait sauter la tête et meurt que je connais ces vers). La lecture théâtrale du bel homme, et son compagnon massif, je crois qu’il a bu, il est assis dehors avec un verre, dans un transat, quand je m’en vais. C’est lui que je gênais. C’est lui qui m’a chassé – ah bon, ce n’est pas toi qui es parti. Choisir des mots juste, mais qui ne juge pas. Pensant à la lecture possible de ceux-là dont je parle. Tout jugement ne parle que de toi. Chaque mot choisit ne part que de toi. Tu les as donc inventés ? Tu les as donc crées ? Ah. Non. Il s’agit donc ici de la création du monde. De rien d’autre. Il s’agit sans cesse d’elle remise à la table de ta vie chaque jour. Bonne appétit. Vaste monde moins vaste, nos vies en vaste monde, ma vie face à la tienne, face à la tienne, face à la tienne. Combien sommes-nous. Le trio, hier soir : homme massif et bel homme et avec une femme et tous les dieux sont morts sauf un. Chère M, je t’écris depuis la mort, où je m’ennuie. Ce n’est pas tout à fait vrai. C’est une phrase. Elle me revient. Il me faut maintenant la creuser, y trouver son vrai, elle a son vrai, je le sais. Je ne creuse pas. Dans son vrai. Elle a sombré. Elle a son vrai, actif. Elle a son vrai, en puissance. Je n’y vais pas. M, hier, rencontrée elle aussi en avril-mai l’an dernier. Elle travaille au château. Il y a un château dans la ville. Il y a dans la ville une carte du monde. Il y a dans mon crâne une carte du monde, il faut que je m’en défasse. Ton monde crâne. De mon crâne à ton crâne. Et le monde au dehors. Je n’y suis pas. hier, j’ai lu ton dessin de gauche à droite et le chemin c’était crâne oreille bouche cœur, le chemin que j’ai lu, le chemin que je lis. La pensée, elle écoute, la parole du cœur. La pensée, attentive, à la parole du cœur. Il y a les deux jeunes, aussi, et leur lecture du livre qui ne m’intéresse, mais tu n’es pas resté, comme peux-tu dire. Mon intuition m’a dit. Ton a-priori. Mon mouvement, mon désir : fut autre. Nulle réplique. Face à cela : un silence qui ne tait mais qui entend. 10h56. 11h02. R, bonjour, m'autorises-tu à utiliser, à intégrer, dans mes notes de travail, matière de l'écriture en constitution, les deux derniers mails que nous nous sommes écrits et où il est question entre autres de nos "lectures grecques", ainsi que celui-ci et ta réponse, et d'autres à venir qui seraient relatifs à ça, c'est les mails en entier qui m'intéressent, avec aussi ce qui ne concerne pas les grecs : la périphérie du cœur présent, du cœur du travail présent : U, O, les yeux, les origines de. Tout. Dis-moi. Et te salue. M. Les notes d’hier, dans le carnet : elle couche avec l’ami de son fils. Tu veux dire l’amant ? Ah non, je ne crois pas, l’ami. Mais. Maintenant que tu me le dis, je repense à. N’est-ce pas que ça te choque. Quoi. Qu’elle couche avec son fils. Pardon ? Eh bien oui elle couche avec son fils. Pardon ? C’est bien ce que tu veux dire : couchant avec l’ami de son fils elle couche avec son fils. D’autant plus : si l’ami du fils est un amant du fils. La mère et le fils se partagent la queue de l’ami du fils. Qui suis-je ? Ah. D’accord. JE POURRAIS AIMER SANS RISQUE. Déjà dit. Raye ces pages. Tu les a déjà recopiées, les notes de ces pages. Mais. Je ne me souviens pas. Tu vois. Raye quand même. Mais. Je fais autre chose, avec, aujourd’hui. Est-ce que tu vois. ET. SI CE N’ETAIT PAS LUI. Raye, je te dis. CE SOIR, JE NE TE DIS PAS. C’était hier, oublie. Je ne veux pas oublier. Ils ne m’ont pas mis là pour que j’oublie : le voilà mon nom véritable, et tu peux me croire : c’est eux qui me l’ont donné. C’était avant hier. Je dis. Hier. Tu te souviens. A qui je parle. Quelle est cette pièce dans la quelle je me trouve. 11h15. Viens. Viens à la maison, ton père vient de naître. Eh bien, il était temps.

Le chant. 10.

Le dessin. 9.

La marche. Dimanche 18 novembre à C. Ils reviennent dans la maison et je n’y suis plus. Il se demandent par où je suis parti. Je suis parti en même temps qu’eux. Nous sommes de retour en même temps, mais pas ensemble. autour de la table nous faisons récit de nos vies séparées maintenant qu’elles sont réunies. Selon l’attention que nous portons à la parole dite, nous pouvons dire avec plus ou moins d’honnêteté : maintenant, nous sommes ensemble. Je suis partie du même temps. En partie. Une partie. Je suis en partance. Une dernière fois je reviens. C’est pour partir à jamais que je reviens. Une fois encore. Et cette fois. Je te dirai tout. Tu vois : je ne suis pas prêt de repartir. Je mange du papier. Est-ce que ça nourrit, le papier. Est-ce que ça peut remplacer viande, pain, légumes. Les mangeurs de pain. Les mangeurs de papier. Les mangeurs de mots. J’avale tes mots, je les bois, nourris-moi du son de ta voix. Je longe la voie ferrée. Une voix de fer. Métal. Un bras de fer. Croiser des hommes seuls. Attendre l’apparition d’une femme, nue, à la fenêtre, elle m’attend, nu, je marche, dans les rues, je viens, je fais le tour de la ville par les hauteurs, puis je descends, je marche entre les murs, dans la ville. Je me retourne sur les hauteurs que je laisse derrière. Là j’ai vécu ma jeunesse. Regards vers. Le jeune homme du dernier soir. Il avait trente ans mais il rentrait encore chez lui par la fenêtre. Il habitait au quatrième étage. Il est tombé. Il est mort. Les hommes seuls qui marchent dans la ville ont tous trente ans et tous ils rêvent de rentrer chez eux encore longtemps par la fenêtre et sans mourir. Il y a. Des lieux où ils se croisent. Il y a. Des lieux où ils vont. Il y a leurs yeux quand je les croise. Il y a leurs yeux qui m’arrêtent. Il y a des lieux où ils s’arrêtent. Des lieux où ils se rencontrent. Je fais le tour de la ville par les hauteurs. Rue du docteur petit. Rue du docteur petit prolongée. Alors, mon grand. Mon petit. Mon petit père. Le petit père. Dépeuple. 16h36. Ville de C. Lumière grise, jour tombant. Montaudou. Fantasmes sexuels à marcher seul. Branler. Me faire branler. Me faire sucer. Dans la marche. Erection dans la marche. Une maison en ruines. Une chair flasque dans laquelle sans érection je peine à pénétrer dans laquelle je m’agite. Angoisse. Reconnaître l’immeuble, en divers immeubles. Les terrains de tennis, la ville. Chercher Patrick. Est-il encore là. Trouver Patrick. Je ne reste pas pour le voir jouer. C’est le trouver que je voulais. Le voir, lui. S’il était seul à jouer, contre un autre, peut-être je resterais. Là, il est en double. Je ne reste pas. C’est moi, l’autre. De dehors, je le vois jouer, à travers la baie vitrée. Je traverse le jardin lecoq. Les otaries ont disparues. J’attends l’apparition d’une femme nue derrière les fenêtres des maisons. Il est 18h00. Il fait nuit. Place de Jaude. Le calme de la place. Il couche avec la meilleure amie de sa mère. Il couche avec la meilleure amie de son meilleur ami. Il couche avec sa mère. Il est grave. Il n’est pas triste. Il envisage d’en rire. Pas toujours. Le pire. Parfois. Il n’est pas malade. Il est un peu seul. Il n’a pas fini. Allo, maman. Où est-ce que je suis né. Un temps. Un rire. Une réponse. Pu pire. Un soupir. Allo, maman. Quand est-ce que je suis né. Il est seul. La question lui revient. Elle était pour lui. Tu fais quoi ce soir.

Nathalie. Thérèse. Le jeune homme du dernier soir. Le jeune homme du dernier espoir. N, la trahison avant même d’avoir agi. Je suis traître à l’être. Avant l’être même. Les geste de la main, oh mais pourquoi je fais ça, ça y est c’est déclenché, ça y est, l’histoire est lancé. As-tu des souvenirs heureux de nous. je ne me souviens que du pire. Je me souviens d’abord du pire. Les souvenirs heureux c’est dans le village. Le village de M. dans la montagne. La vacance de la vie. parfois, cette douceur d’être. Sans avoir à être. Une vacance à la vie. Un sentiment intense de présence. De communion avec l’élément naturel. L’espace d’origine. Le paysage : est muet. C’est l’expérience de la séparation par excellence. En ce temps-là nous voulions faire du cinéma. En ce temps nous voulions faire la révolution. Qu’avons-nous fait de travers. Mais rien. vous n’avez rien fait de travers. Vous n’êtes pas les responsable de la vie de ceux d’après. Un film réalisé. Le pré lointain. Quel naufrage. Mon titre. Ma vie : la réalisation, la mise en réel, la mise au norme du réel sans norme préexisante, des images prises avant ma naissance même ouimais par qui. C’est moi sur la photo. A bientôt. Au revoir. Le dernier soir où tu fus jeune homme. Où tu fuis le jeune homme. Le dernier espoir d’aimer ce jeune homme. Qui te fait. Face. Que tu es encore, pour quelques semaines encore. Les moments heureux, ce serait quoi les souvenirs heureux, tu as quoi comme souvenirs heureux. Ici ce sont les premiers jours de ta vie. ici, à P, la veille de notre commune venue. Le jour de ton retour. la veille de ce jour où face à face chacun à un bout de la table sous la lumière nous écrivons le récit de comment il prit la mer et jusqu’en nos corps présent fit retour. dehors c’est la nuit qui tombe. Dehors c’est la nuit tombée. Nous sommes réunis dans la maison, commune éphémère. Comme un éphémère temps où nos vies partagent l’espace présent : le récit même du temps. Sans fin. Sans arrêt. Instance majeure : ne t’arrête jamais. Le gest de la main qui vient toucher ton épaule sur le pont enjambant le fleuve. Ville de P. C’est le début de l’histoire. Stade du miroir, brisé : sept ans de malheur. Ne dis pas ça. Chère T, ainsi c’était pour te protéger et non contre moi. le silence à mon égard. Ce ne fut pas un silence. Ce fut le refus d’un signe de reconnaissance par le regard. DEUX MORTELS QUI SE VOIENT NE PEUVENT PAS S’IGNORER LONGTEMPS. Non, je n’aimerais pas mourir ici. terre natale. Et la terre où tu meurs c’est quoi son nom.

‘’Déceler une histoire relève de la conscience, non de la sensibilité, qui vécut un temps absolu, sur quoi l’inscription marque peu’’. HL. Une odeur forte. L’odeur du marqueur. L’odeur des traces. C’est le marqueur de chaque heure de ma vie. c’est l’heure. Marche. Au marqueur j’inscris sur les corps les noms des lieux dont ils rêvent pour le dernier retour. C’est mardi. C’est l’heure du retour. J’inscris sur le carton le nom de la ville de N. J’inscris de mon corps le nom de la ville où je vis. J’inscris de mon nom le corps en cette ville où je reviens pour mourir. [Quand ils marchent il y a des trucs qui tombent. Ils marchent dans la pièce au dessus. Qui sont-ils. Il y a. dans les étages de la maison commune éphémère des corps qui marchent et qui n’ont trouvé aucune voix pour dire comment Ils allèrent à la mort. je serai. La voix des muets morts sans récit. Est le nom véritable de.] Tout remettre à sa place avant de partir. pas de trace. Des traces. La poubelle. La gomme. Les tickets de métro. Les babouches. C’est vide après mon départ. C’est vide avant. Avant, il n’y avait rien. [entre l’envie, les envies et les temps de ta vie, quels écarts. Qui parle. Où. Et à qui. Je répète. qui parle. Où. Et à qui. Commande, et instance. Mes cernes, l’apparition de mes cernes. La fatigue. Tu n’es pas encore assez fatigué. Les cheveux blancs bouclés au dessus de l’oreille gauche. les premiers poils blancs dans la barbe dans un miroir d’une chambre d’hôtel, ville de P. Ine erreur de placement sur certaines cartes. Chez VD. LS. Ecriture adolescence : la poésie. Une barque à la place des morts. A la place des noms. A la place des mots. A la place des rames. Une rame de métro. Un stade nouveau dans le récit de la vie. Les stades. Les cercles. La sensation du sol dur sur les pas humides. Ville de T : 3 – 0. Désenchantement : rationalisation. Esprit : puissance d’une fiction du multiple. Erreur. Esprit : puissance d’unification du multiple et de multiplication de l’un.

Et le récit de aujourd’hui vendredi 30 novembre 2007.


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