24.11.07

Ensuite. [6/12]


6. Lundi. 15. Vendredi. 9. Ville de N.


Et à 10h43 je dis stop. Cher M. Stop. Bien reçu tes mots. Mais stop. Je travaille ce matin sur les entretiens. Stop. Dès cette après-midi je me mets à notre affaire. Stop. Beaucoup de travail. Stop. Te fais le premier envoi dès la fin d'après midi, lettre et mail. Stop. Bonne écoute. Belle vie. Stop. A plus tard. Stop. T’embrasse. Terminé. M. 16h20. Retour. 19h00. Mercredi. Choisir un espace. Pour ici. Etre ici. Pour être ici. A P. Un espace, à la fois central et isolé. Retour chez moi. Samedi. 10h00. A P. Je commence à m’installer. Je dépose les premières affaires. L’agrafeuse de P n’a pas d’agrafes. Je mets trois heures à installer trois ampoules. Retour chez moi. Retour à P. Avec mon agrafeuse. Avec des agrafes. Retour chez moi. Retour à P. ça commence. C’est en train. De commencer. Je m’installe. Retour chez moi. Dimanche. 13h00 à P. Premier jour, hier. Tranquille quant à ce que. Je fais. Ici. Pas de devoir-faire qui pèse. Etre. Avec ce qui vient. Heureux de ça. Retour chez moi. 3h00. Lundi. Aujourd’hui. Réveil 10h00. L’univers, les yeux, les hommes. Les premières pages. Origine de l’univers. Tout est là. Papa maman fusion + castration. Un ordre de la mère. Une exécution du fils. Un espace entre elle et lui. Le temps et la distance. Eros et discorde. Tout est là. Une merveille d’archaïsme. Toutes les matières. Tous les rapports d’amour, de désir. Le lien à l’origine. Tout est là et chaque mot ne parle de rien d’autres. L’agencement des désirs. Ecoute bien le tien. Ecoute bien l’ignoré de l’autre. Ecoute bien ce rapport. Qui n’est pas que sexuel. Ecoute bien les espaces, communs, les ensembles, les liens, les partages, les voix singulières. Vivre. Ensemble et seuls. Il n’y a pas de rapport sexuel. Encore. L’ ‘’il y a’’ du rapport sexuel. Encore. 16h29. 20h14. P. Trouve ta place dans le monde, apaisé. Il trouve intérêt à. Trouver. Intérêt là. Comment tu te présentes comme un maître. Entre philosophie et poésie. Alors lalangue, on crée du concept ? Un monde se détache des yeux et se cherche des maîtres. C’est par le lieu et la présence en ce lieu qu’advient la fiction. Avoir. Lieu. Avoir. Un monde sans les yeux. Un monde sans les maîtres. Maintenant c’est nuit. Un être au monde où chaque jour naître. Arrivé à la tombée de la nuit. Un monde où naître. Un mode où mourir en maître. Je n’exercerai mon pouvoir à l’encontre d’aucun. Tu regardes la place de l’esclave. Dans une démocratie. Tu tentes d’énoncer un ressenti quant à la vie de la pensée. Et sa pénible visibilité. La lenteur. Le temps. Le travail. L’obstination. Tu prononces les noms de S, B, N. Tu te caches sous les noms des yeux qui te montrent le monde. Tu affiches le chantier de tes pensées. Des feuilles au mur où chacun peut lire le chantier du ressenti quant à la vie de ta pensée. Son récit. Tu penses : non, pas fiction, mais quête sans structure, par le retour ici non pour transmettre, mais pour comprendre. Tu as besoin de preuve. Dans un même mouvement tu les cherches dévoilant à la vue de qui vient l’état de ta recherche en permanent chantier, sans structure. Tu affiches ta fragilité comme une force. Sans yeux sinon les tiens. Avec les yeux auxquels tu rayes les noms. Tu rayes les noms des yeux. Voilà ma fiction. 21h06. ça commence. Ça va bientôt commencer. Je crois. Que nous allons commencer. Allons. Commence. Si non j’attends. Longtemps. 00h26. Quand le meurtrier meurt avant sa victime. Voilà le crime parfait. Des phrases. Une parole dite posant tout savoir comme faux pour trouver le vrai. Le lendemain, tu ne te baignes pas dans le même fleuve que la veille. De toi ou du fleuve, qui est le plus bouleversé, le plus bouleversant, le plus changé, le plus changeant. On a fini à quatre, la nuit dernière. Ah bon, F m’avait dit que vous n’étiez plus que deux. Elle ment. Elle réinvente. Elle veut que tu restes. Elle te dit la plus belle histoire possible pour qu’avec elle tu inventes la suite. Pour qu’avec elle tu lises la suite. Pour qu’avec elle tu écrives la suite. Pour qu’avec elle tu vives la suite. Quand quelque chose vient : à exister. Il y a. Des mots qu’il ne raye pas. Des mots qu’il n’a pas encore pris le temps de lire, d’entendre. Et qu’il garde. Il reviendra. Jamais il ne reviendra. Dans cette matière ancienne, une nouvelle est là déjà. Elle est : quand quelque chose : vient à exister. Elle. Et quand cette chose vient à mourir. Elle. Continue. Et. Lui, U, il est à errer. Entre les paroles de chacun réinventant le récit idéal de celui qu’ils ne sont pas. De celui dont le son du pas dit la fin des yeux. La fin de ses yeux extérieurs à toi en tant que maîtres de ta vie. Tu vois, c’est encore une femme qui raconte l’histoire de U. Les cheveux ont changé. Le récit a changé. La voix a changé. La position du corps a changé. Je ne vois pas ce qu’il y a en elle. Et le chien meurt. Tranquille. Son maître est revenu. Le dernier chant, elle oublie le dernier chant. N’oublie jamais le dernier chant. C, tu resserres les spots s’il te plaît. Il n’a pas eu le temps de prendre de douche, pourquoi tu dis ça devant nous. Si vous voulez, il reste des places devant. Devant, il y a des femmes assises sur le rebord de la scène. Les hommes sur des chaises sont assis derrière, sur la scène. On lit mal. On boit beaucoup. Après, on parle. N’hésitez pas, entrez, n’hésitez pas, respirez. N’écoutez pas. Quand tu n’en peux plus, tu arrêtes. Avant de commencer, il n’y a rien à dire. J’ai dans les mots un espoir de chair. Est-ce que tu comprends. Ils ont voulu : tout lire. C’était trop long, ils ne l’ont pas fait. Moi, ce sera l’inverse. Tout. Faire une pause. Dans le tout. Au milieu. Au milieu du. Au milieu de. Tout. Au tout début. Au début de. Tout. Au milieu du début de. Tout. Au deuxième jour. Au sixième chant. A 2h40. A 9H48. Aujourd’hui. Je suis. Au tout milieu du tout début. Et je t‘écris. Depuis le milieu du début de. Depuis 40 ans. Il ne voulait pas ne pas finir. Il n’a jamais su comment finir. Jamais n’a su non comment finir mais comment poursuivre. Pourquoi revenir. Ils sont six, sur la scène. Ils étaient six. Ils sont trois maintenant Dans les fauteuils. Je suis seul à la table. C’était il y a un 27 jours. Chaque jour, j’y reviens. Ils parlaient philosophie. Ils parlaient de philosophie. Une femme lisait à deux hommes un troisième écrit. Je lisais le un. Je lisais le deux. Je tentais de comprendre quelle cohérence nous articulions. Quel tissage de cohérences permettait au récit de se poursuivre, nous le rendant compréhensible. Je n’y parvenais pas. Je ne savais que regarder. Je ne parlerai. Que de ce que j’ai vu.

Je ne me souviens plus. Précisément je ne me souviens plus. Le premier souvenir, précis, c’est voir un visage que je reconnais. Celui de F. Il se souvient de mon prénom. Je me souviens du lieu où l’on s’est vu. Il y a six jours. Une seule fois. Il me demande : tu te ressources. Où est la source. J’hésite à répondre. J’hésite quoi répondre. Je travaille en marchant vois-tu dans un projet sur la mémoire absente travaillant les corps au présent de l’avènement des machines effaçant les récits de nos vies. J’hésite à répondre. Quelques secondes, alors, entre lui et moi, sans un mot. Il me demande : si je me ressource. Finalement je réponds : oui. Et nous reprenons chacun notre marche. Une jeune femme est assise en tailleur, au sol, en train de lire. Plus loin, c’est un jeune homme, marchant, plongé lui aussi dans la lecture d’un livre. Je ne peux pas écrire en marchant. Je peux. Ecrire en marchant. Je ne suis plus dans la marche si j’écris. Si je lis en marchant je ne suis plus dans la marche. Je m’arrête pour écrire. Je reprends la marche. Plus loin, il y a cette femme, avec qui j’ai mangé, il y a dix-huit jours. Cette femme que j’ai embrassé, au moment du bonjour, embrassé, au moment de l’au revoir. Cette femme que j’ai tutoyé, qui m’a tutoyé. Cette femme que je revois aujourd’hui. Elle me voit. Ces yeux me voient, j’en suis certain. Elle ne dit pas bonjour. C’est la deuxième fois qu’elle ne me dit pas bonjour. Pourquoi je te parle de ça. Je te parle de ce que j’ai vu. Je veux dire juste comment par le regard une violence telle de silence peut advenir. Je veux dire juste comment le silence me chasse et comment une parole convoque ce qui fut, convoque ce qui ne fut, invente, creuse, dans cela qui fut, dans le silence, de l’autre, là j’écris, là je t’écris : c’est normal, elle ne dit pas bonjour, elle se protège ou elle m’ignore. Je suis blessé, je cherche à trouver l’excuse. Une excuse. Un jeu de cartes. Pour te repérer dans le monde. Ce n’est pas un jeu. Il s’agit. De nos vies. Il y a un château. Dans la ville. Ah oui. il y a des ombres et des lumières projetées sur les remparts du château. On ne sait plus quoi est vrai. De ces ombres et lumières d’où viennent-elles, quels sont leurs noms. Je contourne le château. J’entre dans un bar. Mon chien stupide. Relire ce livre. Je me souviens de la pluie, à la fin. Est-ce que je mélange. Avec Love Streams. Avec Nerfs à vif. Lecture.

Dans la même nuit. Des nouveaux arrivants dans la ville de N. Des balades interactives avec interfaces où le gamin découvre la ville. Je mène une enquête. Je t’envoie les infos. Message reçu. Dans la nuit. En rêve, lui apparaît son désir d’avoir un homme. Pendant ce temps, l’homme dort, lui aussi, mais le rêve est dans le corps de la femme. Vous êtes sur la même île, mais encore à distance l’un de l’autre. Sans la connaissance réciproque de vos existences. Un œil pourtant vous regarde. Lui, il sait. Ce qui m’intéressait, c’était le lever du jour, et travailler les gammes de gris, eh bien ce que j’ai vu c’est ça : la lumière descendant sur le sol. Très loin de la ville. Jeune femme. Papa, ne voudrais-tu pas me faire armer une voiture. Il devina tout, et lui dit : je t’accorde les mules, mon enfant, comme le reste. L’émule : est cette personne, sais-tu, qui cherche à égaler ou à surpasser. Il donna les ordres à ses gens, qui obéirent. Lorsque le linge sale fut lavé, et purifié, les jeunes femmes dénouant leur voile, jouèrent à la balle, et la princesse au bras très blanc menait la danse. Ainsi excellait-elle entre ses suivantes, l’intacte. Hélas, en quelle terre encore ai-je échoué. Ce qui permet d’avoir un relationnel en proportion à. La voix fraîche des jeunes filles. Allons plutôt tenter de l’apprendre nous-mêmes. Effroyable, il parut. Un désir chassait la peur de ses membres. En face d’elle il hésitait. S’il prendrait aux genoux la jeune fille. Ou lui dirait à distance des mots. Craignant de la blesser s’il lui embrassait les genoux. Reine, j’embrasse tes genoux. Dit-il. En disant à distance. Des mots doux. Reine, j’embrasse tes genoux. Si tu dis ce que tu ne fais, penses-tu cacher mieux ce que tu ne penses. En dix ans, il avait eu le temps de réfléchir à ce qu’il raconterait. Là, il s’entraîne un peu. Premier commencement du récit. Là. Convocation souvenir. Temps lointain. Mémoire 1 opérante. Okay. Temps proche. Mémoire 2 opérante. Okay. Il dit : je t’admire avec stupeur. Opération mémoire 1 : le tronc droit d’un jeune palmier. Il se souvient. Du tronc. Droit. D’un jeune palmier. Il dit : je demeurai longtemps dans la stupeur, car jamais un tel fût n’était monté de terre, de même, femme, je t’admire avec stupeur. Et : je crains infiniment de toucher tes genoux. Il est comme ça, U. Et bientôt, il sera vêtu des tissus propres fraîchement lavés, voile du désir des fiançailles de la princesse. Ici. Point de vUe sUr le bonheUr selon U. Un mari. Une maison. Un oubli. Un monde. Un homme. Une femme. Un accord. Une pensée. Un malheur. Un ennemi. Une joie. Un ami. Une amie. Nous. Vivons à l’écart au sein de la mer démontée, au bout du monde, et sans fréquenter d’autres hommes. Réplique la jeune princesse. A l’écart. Nous. A l’écart. Ah, si un tel héros pouvait être mon époux. Elle fait parler son désir en confiant ses paroles aux dires d’un autre. Il. Entrera dans cette ville. Ici. C’est la grande répétition générale. Il. Ne touchera pas. A la jeune princesse. Elle sera parfaite pour son fils. Pense-t-il il pense-t-il. Oh, si j’avais vingt ans de moins. Elle se déclare. Elle s’offre à moi. Et d’un même mouvement elle me chante la voie du retour. Va trouver ma mère. Dit-elle. Va droit à ma mère et embrasse ses genoux, si tu veux avoir la joie de vivre l’heure du retour. Une autre fois, je vous parlerai de la crainte de l’oncle.

Cher P, je sors du bar. Je marche quelques dizaines de mètres. Je m’arrête. Les portes du cinéma sont fermées. J’attends avec d’autres. Les portes s’ouvrent. J’entre. La jeune femme qui s’occupe ce soir de la caisse. On se dit bonjour. On se connaît. Sa voix, pendant que toi tu lisais. Elle, au bar, à P, et toi sur scène avec les trois amis. La femme, derrière toi, elle t’appelle par ton nom, pas par ton prénom. Et tous les jours toi tu étales les livres sur la table. Et tous les jours je les vois. Nous parlons peu. Le dernier soir, tu es assis à ma gauche et nous lisons ensemble Cher P, ce que j’ai vu de toi, si peu. J’entre dans la salle et je m’assois dans le fauteuil au cinquième rang, derrière le fauteuil à la cicatrice dans le dos. Ma place favorite. G, et T. entrent dans la salle. Je leur ai dit je vous ai vus hier. Et pourquoi n’es-tu pas venu. Nous. Dire bonjour. L’autre rive. Tout un monde à traverser. Ce soir. Se parler. Se trouver sans se chercher. Ce que nous avons vu. Ce soir. Hier. Un bar. Deux rhums. Un retour. Chère P. Serait-ce donc toi le premier amour. Le plaisir. De ne pas connaître le regret. Chère C. J’associe, à tort ou à raison, mon mariage avec la mort de mon père, dans le temps. Je ne voudrais pas te faire pleurer, en te parlant, aujourd’hui. C’est ma crainte majeure. Te faire pleurer. Alors comme ça tu fais pleurer les femmes. Cher G, je revois très bien la rue où nous marchons et tu demandes si je suis - - -, et je réponds, et je te mens. D’accord. Ce n’est pas à toi que je mens. Ah bon. Chère C. Ce mariage était une blague, oui, mais le savions-nous alors, le sérieux travaillant la violence en chemin.

Il y a. Un homme à l’intérieur de moi qui parle et forme l’homme que je suis à l’extérieur. Il y a. Un homme à la face masquée, un homme au cerveau blanc de mémoire ou blanc de pensées. Il y a. Un homme dont mon corps est la parole. Il y a lui dans moi devant la terre montagneuse, là il vint en exil, là je vins à la vie. Et je tourne l’image dans tous les sens et j’essaie de trouver des visages dans la découpe des montagnes, des visages, qui me parleraient de toi. Je m’approche, lentement. Ce savoir-là : nous est commun.

Informations annexes. Une menthe à l’eau. Des décisions importantes. Un monstre, gros. Une question : comment tu arrives à cumuler tous les projets. Une réponse : organisation + savoir travailler avec les bonnes personnes = les gamins arrivent sur une interface en flash. Là, il y a un génie musicien. Là, le gamin peut découvrir des sons. Un flash-back : il me demande si je me ressource. Une suite : elle ne me dit pas bonjour. Un nouveau bar qui me plaît. Une présence dans le même lieu, tous les trois, un soir ensemble, un autre pas. Quelques verres. De la parole. Du temps. Tu attends un enfant. Sommes-nous déjà quatre.


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