24.11.07

Ensuite. [7/12]


7. Lundi. 15. Samedi. 10. Ville de N.


Et elle parle de toi. Tu le sais. Le sais-tu. Elle raconte autrement ton histoire. Elle dit ainsi par la suite il aima mieux. Ecoute. Ecoute-la parler. Et tu connaîtras mieux ta mère. Fais croire aux autres qu’on les craint. Fais comme si tu voulais bâtir une nouvelle ville. C’est qui ce mec, dit le remplaçant de l’homme au fauteuil vert. Je ne suis pas le remplaçant de l’homme au fauteuil vert. Je ne suis le remplaçant de personne. Je ne suis le prétendant de personne. Je suis présent. Ne fais pas comme si je n’étais pas là. Je suis le son de la voix d’une femme, elle lit. Je suis le son de la voix d’un homme, il dit : je ne suis pas le remplaçant de l’homme au fauteuil vert. ET JE TE LE RACONTERAI MOI TON RETOUR. Le retour. De la guerre de toi. Eh bien. Tu pensais quoi. Tu pensais qu’il s’agissait de quoi. Je vais te lire, comment l’écriture de son retour l’a fait passer 20 ans loin du réel. Ce n’est pas un retour, c’est sa venue, enfin. A la fin. C’est un enfin. Oui, tu entends très bien ici qui vient. Ce commencement, qui enfin est de toi. Et peut-être alors peux-tu comprendre pourquoi ce non à la fiction et ce oui à. On parla des femmes. L’une d’elle dit j’adore mes pieds. On parla des phrases. L’une d’elle me dit j’adore compter les pieds avec toi. On parla. Des phrases sans mots dont le son donnait du plaisir. On parla de la phrase. Comment elle te pénètre par la poitrine. Et non par l’oreille. Te pénètre. Par là où pas de trou visible. Par des trous que nul orifice ne permet de voir. On parla de la phrase et comment elle trace dans le corps, comment elle invente une faille dans le corps. Par là, le corps reçoit le sens. On parla de l’expérience comme d’un lieu de l’origine. Tu me dis soudain avoir une demi-confiance en moi. Une demi-confiance. Je ne comprends pas. la moitié d’une confiance, je ne comprends pas. Tu me dis : imagine ton fils, ton père, ton frère, tous menteurs. Imagine ton fils, ton père, ton frère, tous voleurs. Est-ce que tu comprends mieux. Il n’y a pas de femmes. Qu’est-ce que tu comprends mieux. Je ferme les yeux. Est-ce que tu me vois mieux. Je vais partir. La femme est-ce que tu la vois. Tu vas la voir. Au moment de partir, la voilà. Voilà. Au moment de partir, il épouse sa sœur. Au moment de partir, s’il voit que je ne lâche pas, il lâchera. Me lâchera. Une phrase écrite. Tu vas voir, il va me parler. Il a mangé tous ses gamins, il est grave ce mec. Arrête de manger les enfants lui dit-elle. Il se goberge, se goberge. Sa descendance y passe. Jusqu’à ce que ses yeux se tournent vers le soleil. Souviens-toi. Le dernier visage que tu as vu avant que le soleil ne te rende aveugle. ILS ETAIENT LA J’ETAIS AVEC EUX les as-tu vu. ILS ETAIENT LA J’ETAIS AVEC EUX je les ai mangés, tous. Dis-moi à qu(o)i ils ressemblaient. Il y avait. Il y avait. Sa voix avait modelé un monde dans la chair de la nuit. Dans son propre corps. Et ma vie ancienne est revenue devant moi. Je l’ai vomie. Ils étaient là. Ils ne sont plus. Je vais partir. Quand je reviendrai, je te demanderai de t’asseoir, et de te placer aux endroits où j’avais l’habitude ici de m’asseoir. Alors je te dirai ce dont je me souviens. Le ‘’moi suivant’’ est le véritable nom de U. N, il a mis 10 jours pour rentrer. U, il a mis 10 ans. Il y a quelque chose de divin à vouloir tout prendre, à vouloir toutes les prendre, sur le chemin du retour. Ai-je besoin de le chanter, 10 ans de guerre, 10 ans de baise, 20 ans dans le réel, 20 ans dehors, il y a deux personnages, qui sont-ils. T, c’est moi. U, c’est moi. Je ne suis : ni l’un ni l’autre. Je suis : M, le lien tu : de T à U. Et je te salue, je vais vite, je ne peux pas m’arrêter, pas déjà, si je m’arrête, il me semble que quelqu’un de très grand s’arrête avec moi, derrière moi.

ICI, UN CROQUIS. AVEC LUI, ECRIRE LE RECIT. DES LIENS FICTIFS, DES LIENS CONNUS. L’INVENTION DES NOMS. QUE DIRA LE SOUVENIR A L’INSTANT DE SA CONVOCATION.

Les parties coupées du texte. Un texte sans couille. Menteur. La présence de son mensonge l’effraya : IL NE POUVAIT PAS FAIRE QU’IL NE SOIT PAS. Je ne puis d’amour te baiser. Ce vin est âpre. J’ai déjà entendu chanter cette complainte. 3h20. Nous tenons la lecture : pour ceux qui pourraient venir. Nous tenons la lecture : pour pouvoir en faire récit. Ah, ça y est, j’ai écrit, ça y est, j’ai des choses à dire, ça y est, j’ai lu les textes, j’ai des choses en moi, je vais les dire, je vais te les dire, écoute, ça y est, j’ai vécu, je veux te le dire, à toi. DANS LA GUEULE DE BOIS DE NOTRE DENIERE NUIT, un cheval mort pourrait en faire le récit. Non, mon petit, je les connais. Ils ont touché aux troupeaux des yeux. Leur parole est folle désormais. Elle sait. J’étais avec eux. Viens, je vais te dire. Mon nom, petit, je le connais. Approche-toi, que je te le dise. Je suis celui sans raccourcis, je suis celui tout entier, le chemin tout entier c’est moi. Et, U : s’aperçoit que son mythe allant plus vite que lui l’a précédé en tout lieu où il arrive, il n’a plus rien à raconter. Qu’est-ce qu’il fait ? Mon mensonge m’a précédé. Précédé par son mensonge, IL QUITTA LE MIROIR. Si toi, tu ne sais pas, moi, je sais. LE MAITRE EST REVENU. Sa maladie est de chercher à savoir. Il n’en a plus pour très longtemps. Il sera bientôt ENTIEREMENT de retour. IL NE FAUT PAS QUE LE MAITRE TE VOIT ICI. JE LUI PREPARE UN ACCUEIL. Ce petit geste. Un lit. Les deux autres : est-ce qu’ils dorment. Un lit. Je l’écoute. Elle lui parle, elle est avec lui. ‘’Moi aussi je suis avec toi’’ est le véritable nom de U. Il se tut, pour mieux regarder. Ferme ta bouche, ouvre l’œil. TA MAITRESSE COUCHE AVEC UN BERGER. TA MAITRESSE COUCHE AVEC UN PORC. Duquel des deux te sens-tu le plus proche. Une âme liée à des os nus. Etre la compagne du nombre. D’une ombre. D’une dune. Tu vois ? Derrière la dune, il y a un nombre. Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit. Ils étaient apparus, comme dans un rêve, en haut d’une dune, comme s’ils étaient nés du ciel sans nuage, et qu’ils avaient dans leurs membres la dureté de l’espace. Quelle heure est-il ? Trois heures et demi. Elle couche avec l’ami de son fils. Tu le savais. Non. Moi, JE POURRAIS AIMER SANS RISQUE. Coucher. Avec l’ami. De ton fils. Tu. As peur. Dit-elle. Tu dresses une image devant toi avec ce que tu sais déjà. ET : SI CE N’ETAIT PAS LUI. Elle tenta de le reconnaître par ce qu’en avait dit le chant qui avait précédé son retour. Elle allait dire : je l’ai vu. Mais elle se tut. Pour mieux regarder. Pour le garder encore une fois. Elle connaissait les phrases des vivants. Elle connaissait les phrases des livres. Les phrases des morts. Elle tentait de le reconnaître par ce qu’en elle disait le chant qui attendait son retour. Il était 3h37. Tu as peur. Dit-elle. Creusons un peu cela toi et moi si tu veux bien.

J’appelle. Une femme. Elle vient. Sans peinture. Sans écrit. Nue. Sans dessein. J’appelle Un homme. Il vient. Sans peinture. Sans écrit. Nu. Sans dessein. Qui d’elle ou de lui. Qui de nous trois. Appelle. Qui de nous trois vient. Une femme, écrite. J’appelle. Un homme, écrit. Celui. Qui de nous trois. Ecrit, peint, et vient.

Son père ? Son père il était géomètre de l’empire et il lui fournissait le papier sur lequel il écrivait. Il écrivait, au dos des cartes de l’empire que travaillait son père, il écrivait, et dessinait des fantômes au dos de l’empire de son père. Qui suis-je.

Le chemin est une ligne droite qui va de chez moi jusqu’à la scène. Le chemin. Est une ligne droite qui va de chez moi jusqu’au fauteuil central face à la scène. Le chemin. Est une ligne droite qui va de chez moi jusqu’aux joues de l’amie que j’ai du plaisir à revoir. Le chemin. Est un segment de ligne par lequel je suis de retour chez moi. Le chemin. Est sans image. Le chemin. Est dans le silence et le blanc d’une feuille ici à la place d’une autre que j’ignore. D’une autre. Dont je ne connais l’existence que par son absence. Le chemin. Est sur le trottoir de droite avant l’escalier. Le chemin. Est dans le regard à gauche et la surprise qui s’en suit. Le chemin. Est dans le temps passé avec l’ami retrouvé. Le chemin. Est dans un bar. Et passe par le fleuve. Et mer, amour et mort. Et de ton origine. Et de ta source. Ici. Faire quelque chose ensemble. Un jour. Peur. Faim. Froid. Misère, aussi, dit M.

Pendant ce temps. Dans la maison. La force de ses mules ramenait la vierge en ville. Pays très lointain. Suis-moi sans un mot. Et ne va pas fixer des yeux ni questionner quiconque. On ne fait pas très bon accueil à qui vient d’ailleurs. Ici. Ils franchissent le grand abîme, sûrs de leurs prompts vaisseaux. Ici. Et c’est à eux que tu vas faire le récit de la suite de tes ici. Sacré toi. Grand farceur. Si son cœur se prend d’affection pour toi, tu peux garder espoir de revoir les tiens. Le cœur plein de pensées. Restant immobile, et sans jamais vieillir. Ici, c’est l’île où jamais aucun n’étranger ne vient. Ici, c’est l’île où les hommes excellent dans l’art d’aller vite et loin par la mer. Ici, c’est l’île où les hommes mangent avec les yeux. Ici, nous sommes isolés et prompts. Séparés du reste du monde par une distance incalculable, nous sommes ceux qui à coup de rames abolissons le temps. Ici les arbres ont toujours des fruits. Ici nous sommes les fils de nos fils. Et c’est à eux que tu vas faire le récit de la suite. Tu pourrais dire bonjour. Sans rien dire, en silence. Il savait beaucoup de choses de jadis. Ceux-ci ne disent rien, car ils attendent que tu parles. Les pieds battent le rythme de la lecture. Les mains tiennent le livre. Immobiles mains et livre. Mouvement de la tête battant le rythme. Tes lèvres qui s’agitent. Un peuple. A l’écart. Qui mange avec les yeux. Les corps. Les corps. Ce sont eux, les autres. Le froid, la faim, la peur. Ici, il est chez lui. Comme chez lui. Ce n’est pas un lieu réel, ici. C’est le lieu du récit, ici. C’est le lieu de l’écart, pour l’écrit. C’est le lieu du temps arrêté, pour le récit. Ecoutez, je suis l’homme le plus chargé de misère. Mais laissez-moi souper. Chien de ventre. Que je dévore et boive, et que de la sorte j’oublie. Ecoutez j’ai mal. Ecoutez mes mots. Ici, la reine avait aussitôt reconnu le châle et la robe, les beaux habits. C’est par ces tissus qu’elle reconnaît que se déclenche le récit que tu vas faire, depuis ton départ de la dernière île jusqu’à la seconde où la princesse t’offre le tissu de son désir de fiançailles qui déclenche ici le récit, et, vient couvrir ta nudité. Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Qui t’a donné ces vêtements ? Les femmes excellent à tisser : le sais-tu. Je suis. Celui qui tisse le récit. Je suis : récit écrit, écrit récit. J’écrirais. Si. Je savais. Ici je m’entraîne par le récit à l’acte du retour. Je commence par le récit de ce temps proche entre la dernière île et ici. Ici je commence l’achèvement du lent retour. Par son récit. Lent retour. Dans le monde fréquenté par les hommes. Retour. Au réel. Après huit années passées au fond de l’antre qu’aucun des yeux ni des hommes ne fréquentent. Rien que moi. Huit années. Neuf jours. Le dixième. Dix-sept jours. Le dix-huitième. Enfin chez vous. Qui parmi nous à la seconde voudrait devenir immortel. Je te raconte le récit d’il y a trois pages. Je te raconte le récit de ta marche à venir. Quand tu rentreras chez toi. Souviens-toi. Qui parmi toi veut devenir immortel. Et jeune pour toujours. Mais, dis-moi : tu me fais le récit de cela que j’ai lu il y a déjà trois pages. Oui, mais cette fois c’est moi qui parle. Je prends la parole. Tu vois. Je la porte. C’est moi maintenant, je l’ouvre. Je te l’apporte. Un récit. Nu. Ecrit. Et nu. Nul récit lu n’écrit le récit nu. Je suis. La nuit passée, puis l’aube, puis midi, le soleil se couchait quand je me réveillais. Je suis ta fille. Je suis ta noblesse. Une noblesse que l’on n’attendrait pas de quelqu’un de son âge. Penses-tu. J’ai dominé ma peine pour parler, et j’ai dit vrai

Chère femme. Je te remercie d’être venue, et d’être venue avec ta fille. Je ne pensais pas qu’elle était si belle et femme déjà si jeune et déjà femme par mon désir à la voir. Chère femme. Je te remercie d’être venue, et d’être venue avec ta mère. Je ne pensais pas tu étais si femme déjà si jeune et belle par mon désir à te voir. Chère femme. Je quitterai le fauteuil sans te dire rien du désir et je prendrai la mer. Heureux que mon cœur s’affole encore. Je te remercie. D’être venue. Je ne pensais pas être encore si. Je prends la mer.

Cher M, comme je tremble avec toi du secret de U. Comme je tremble, cher M, comme je tremble seul, du secret de toi que par U tu m’as dit me disant quoi. Cher M, je te salue, tout simplement.

Cher M, toi qui porte même prénom que moi. M de même. Je me souviens. De cette ligne lente par laquelle tu portais les mots au travers d’une forêt de chaises t’empêchant d’avancer. De cette ligne lente par laquelle tu portais les mots au travers d’un désert, dans une pièce close sans fenêtre. De cette ligne, par toi traçant : le seul nom de ceux des yeux encore à vue. Pour qui ne triche pas durant sa marche. Cher M, je te salue, tout simplement.

Cher G, toi de qui je reçus le cœur quand j’attendais celui de celle. Toi. A qui j’adressais les mots quand elle n’en voulait plus. Toi. Qui me porta. Qui les porta. Ces mots venus d’elle et de moi. Ces mots dont je savais, les écrivant, que tu les porterais. Tu les portas. Ces mots, qui vinrent d’elle et de moi, mais qui allèrent vers toi. Et le chemin ne se lit que dans un sens. Cher G, comme je te salue.

Un théâtre. Un bar. Des amis.

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